Depuis plusieurs années, l’électif “Design Research” de Strate propose sur un semestre de sensibiliser et d’outiller les étudiants en 5ème année design aux méthodologies de la recherche par le design, en combinant une partie théorique et une partie pratique (learning by doing). Pour ce faire, les sessions s’appuient sur les projets de diplôme des élèves comme cas d’étude. Les concepts et outils pédagogiques abordés sont ainsi directement au service du développement des projets de chaque étudiant.
L’électif “Design Research” a été mis en place en 2017 par l’équipe de recherche de Strate (Ioana Ocnarescu, Estelle Berger et Isabelle Cossin). Il s’est étoffé grâce à des intervenants chercheurs comme James Auger (PhD, aujourd’hui enseignant-chercheur École normale supérieure Paris-Saclay) et depuis 2 ans en collaboration avec Renaud Mignerey (ancien stratos, PhD, pilote du programme R&D chez onepoint). Chaque année les étudiants sont également amenés à visiter un laboratoire ( CoDesign Lab & Media Studies de Télécom Paris ou la laboratoire de prototypage de l’Institut Pasteur par exemple) pour découvrir le quotidien d’un.e chercheur.e.
Cet article, co-écrit avec Renaud Mignerey, présente l’objectif de l’électif, son déroulement ainsi qu’un retour d’expérience des 21 étudiants en 5ème année design ayant suivi ce cours, donné en anglais cette année pour offrir aux étudiants étrangers la possibilité de le suivre.
La première partie du cours introduit les sciences du design et la dimension académique de la recherche par le design. Un temps d’échange entre l’équipe pédagogique et les étudiants vient définir les bases de la culture design que les étudiants ont pour la plupart déjà eu l’occasion de consulter (ou en ont tout du moins entendu parler !). Au-delà des must read abordés en session introductive, une référence littéraire est attribuée à chaque étudiant, selon sa problématique de diplôme, pour faciliter l’articulation réflexive des concepts théoriques qu’il manipule et sa pratique de designer.
Cette introduction théorique est suivie de plusieurs sessions au contenu méthodologique qui s’articulent autour des notions de recherche / analyse / design / validation. En suivant ces étapes de conception itératives que les élèves développent dans le cadre de leur pratique, l’électif recherche présente les outils des disciplines académiques dont s’inspirent les sciences du design. Les approches issues des sciences humaines et sociales comme la sociologie, l’ethnographie, l’anthropologie sont ainsi étudiées via une posture intellectuelle ouverte, qui permet l’appropriation de concepts théoriques au profit d’un terrain qui enrichit les réflexions de l’étudiant.e. En s’autorisant ce « pas de côté », ces étudiants sont ainsi amenés à hybrider plusieurs outils et en inventer, selon les besoins de leur projet et les moyens à leur disposition ; le contexte sanitaire de 2020-2021 a notamment incité la classe à l’adoption de pratiques alternatives aux biais assumés, et appuyées par des solutions numériques.
Soulignons que plusieurs élèves questionnent leur pratique et développent des méthodes innovantes, revendiquant tout d’abord une réflexion critique sur leur approche méthodologique plutôt qu’une réponse à un besoin utilisateur. Cette posture, qui s’approche de celle des chercheurs, est assumée par des étudiants qui se projettent dans une voie académique – la thèse, les doubles cursus ou les mastères spécialisés sont des voies souvent évoquées. La frontière est mince entre l’étudiant en fin de cursus et le professionnel – voir image plus bas sur le positionnement des étudiants entre la volonté de faire ou pas une thèse en design, la volonté de faire une thèse en entreprise ou thèse en laboratoire). Le cours se termine sur une réflexion ouverte et aborde le positionnement d’un designer et designer-chercheur dans le monde du travail. Une rencontre avec des professionnels du design aux parcours académiques et / ou industriels ainsi que des recruteurs conclut l’électif recherche.

La promotion 2021 s’est adaptée aux contraintes sanitaires et s’est vu proposer un débat mouvant ainsi qu’une table ronde virtuelle.
Un questionnaire distribué à la fin du cours fait apparaître que outiller les étudiants sur ces aspects académiques est un aspect majeur de l’apprentissage que Strate leur propose ; «j’aime comment le cours décortique tous les éléments nécessaires à un bon projet » ; « c’est parfait pour avoir des outils méthodologiques liés à son diplôme pour lui donner de la crédibilité ».
L’application du contenu du cours à un cas d’usage qui a de la valeur pour les étudiants fait sens et motive le suivi des sessions ; “I really like tutor’s suggestions on our own graduation thesis research, so that we can better understand the problems in our research process” ; “What I liked : apply concepts on our diploma projects and the part when we were given references for our subjects.”. L’apport du cours est bien identifié par les étudiants qui y voient ainsi des manières nouvelles de porter leurs réflexions à un niveau supérieur : « It’s a different way to understand user needs and survey for my final project » ; « J’ai appris des notions liées à l’entreprenariat, savoir me situer dans un projet, combien de personnes interrogées pour qu’un sondage soit valable, etc.».
La projection de l’applicabilité des méthodes enseignées dans un contexte professionnel permet par ailleurs aux étudiants de se projeter : «What is design research and the jobs it leads to» ; «I learned mainly how could I pursue after the school and where to go». La partie du cours traitant de cela, couplée à la visite d’un cadre professionnel en fin de semestre souligne la pertinence de l’exercice à un moment charnière pour les étudiants. L’intervention de plusieurs professionnels (ethnologues, designers, doctorants en design, entrepreneurs…) ainsi que la table ronde traitant de la R&D en entreprise ont été appréciées pour leur ancrage des méthodologies de design research dans un contexte métier concret.

Le champ d’amélioration de l’électif recherche est vaste, et les attentes des étudiants qui ont participé au cours sont variées. Plusieurs élèves ont ainsi souligné leur volonté d’approfondir les aspects théoriques des sciences du design, à travers la rédaction d’article – et l’acculturation à la réalisation d’un tel exercice : « apprendre à écrire un article de recherche, écrire un article de recherche, parler des perspectives dans la recherche en design avec ou sans thèse ». Cette tendance émergente s’impose progressivement comme une alternative aux projections plus conventionnelles associées au design thinking, à l’UX-UI, au design produit, etc.
Par ailleurs, expérimenter – parfois pour la première fois – des méthodologies sur un projet critique qu’est le diplôme vient impacter la volonté de quelques élèves à s’appuyer sur certaines méthodologies. D’autres projets moins « ambitieux » permettraient de se faire la main avec moins de retenue. En réponse à toutes ces observations, nous soulignons que l’intégration de ces apports méthodologiques de la recherche en design sous différents formats dès la troisième année pour toutes les majeures de l’école faciliterait l’acculturation des élèves. Cela enrichira leur culture design, leur méthodologie mais aussi une certaine quête de sens, voir même la création de leur propre éthique de designers.