Le 19 octobre, a eu lieu le séminaire expérimental et participatif “Futurs déviants” organisé par Max Mollon, Pierre-Baptiste Goutagny et Franck Calis dans l’amphithéâtre de l’ancien campus de Sorbonne-Nouvelle Censier, Césure, un tiers-lieu porté par Plateau Urbain en partenariat avec Yes We Camp.
L’objectif de cette rencontre était de proposer des sujets de discussions autour de la déviation écologique et d’explorer le format traditionnel d’un séminaire scientifique à travers d’autres formes de collaboration et d’échanges.
Sur le plan du contenu, l’événement a rassemblé neuf chercheur.euse.s, principalement des jeunes designers ou doctorant.e.s en sciences humaines et sociales, philosophie, sciences de gestion et sciences du design. Chacun.e a présenté ses recherches en lien avec une démarche de prospective, d’anticipation ou de projection en lien avec les pratiques contribuant à la construction des futurs et de la société.

Voici les neuf intervenant.e.s et leurs sujets :
- Engager des acteurs vers des futurs souhaitables par le design | Diane BEAULIEU (Designer-chercheuse, Docteure en sciences de gestion du laboratoire Lirsa au CNAM)
- Simuler le partage d’électricité entre voisins, le jeu comme support d’exploration des futurs | Zoé BONNARDOT (Designer & Enseignante-chercheure à l’Ecole Supérieure de Design de Troyes, Docteure en Sciences de l’Information et de la communication)
- Déverrouiller les futurs : il n’y a pas d’alternative ? | Fabrizio DEFILIPPI (Doctorant et ATER en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Nanterre)
- Mise en débat des fictions intersubjectives à l’ère de l’Anthropocène | Margaux D’HONT (Master, Designer-chercheur d’innovations écologiques et sociales, membre du laboratoire et collectif de recherche Zoepolis et membre d’Aero Decarbo)
- TURFU : le design de milieux | Makan FOFANA (Master, Écrivain-philosophe et designer de démarche participative)
- Fictions de renaturation : ré-écrire la ville et la nature | Joffrey LAVIGNE (Doctorant au Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation – CESCO – Muséum National d’Histoire Naturelle)
- Que faire des futurs sans futur ? | Bastien MARCHAND (Doctorant en écologie politique au laboratoire LEST – AMU & CNRS)
- Penser une autre ville pour demain, le cas du trottoir | Ivan PEJCIC (Master, Design d’intérêt général, Vraiment Vraiment)
- Inventer des méthodes atypiques et inclusives pour (s’)autoriser à inventer des futurs | Dialekti VALSAMOU-STANISLAWSKI (PhD, Artiste-chercheuse indépendante)
Du point de vue de la forme, l’exercice a été novateur. Pour chaque intervenant.e, les organisateurs ont mis en place un moyen permettant à la salle d’interagir en silence en complétant un pad en ligne avec des commentaires et des références. Ensuite, dans le cadre des “kiosques”, les intervenants et des binômes (chercheur.e.s plus expérimenté.e.s sur la question proposée) ont animé une discussion avec les participants de la salle intéressés à poursuivre l’échange.
Échange sur la simulation avec Zoé Bonnardot et les participants
J’ai pu échanger avec Zoé Bonnardot sur la notion de la simulation, une démarche d’aide à la décision en expérimentant des futurs expérientiels. Zoé a mené sa thèse CIFRE intitulée “Anticiper l’expérience de systèmes de partage d’énergies renouvelables : un dispositif de simulation ludique pour l’exploration participative des futurs” en collaboration avec EDF et l’Université de Nîmes. Cette thèse, en design fiction et ergonomie, a exploré les projections des utilisateurs dans des scénarios probables de partage d’énergie renouvelable dans le but “d’approfondir la compréhension des conditions de leur engagement dans un tel système”. Pour ce faire, Zoé a utilisé l’outil de simulation, tant pour mettre en scène et incarner par le jeu ces démarches d’exploration des futurs que pour explorer un outil d’aide à la décision. Le format du kiosque a permis de renforcer certains points clés liés à la simulation.


La particularité de la simulation par le jeu proposée par cette recherche réside dans la conception de cet espace en tant qu’espace de conception, avec un équilibre délicat entre la planification et la liberté. Les règles du jeu sont définies, mais une part de vide est laissée délibérément pour permettre aux participants de s’approprier la simulation. L’objectif de cette exploration, où l’imprévu est le bienvenu, est de saisir les grandes tendances autour du thème proposé grâce à la simulation par l’expérience.
Pour atteindre ces objectifs, quel cadre adopter pour la simulation ? Certaines règles sont énoncées clairement, tandis que d’autres le sont moins, soulignant l’importance du choix du vocabulaire par les concepteurs et le maître du jeu. Ces règles, qui structurent la simulation, sont issues des cadres étudiés précédemment dans le projet de recherche, comprenant des observations, des modèles théoriques récents, des tendances, et des connaissances techniques de l’entreprise. Les situations et les contraintes du jeu découlent de ces cadres, prenant en compte des facteurs géo-socio-économiques choisis et impulsés par le commanditaire du projet.
En ce qui concerne les résultats, il s’agit, grâce à la simulation, d’explorer d’une manière plus expérientielle ces cadres et tendances pour mieux comprendre les comportements marquants, récurrents ou inattendus. C’est là la subtilité, de guider les participants dans l’inconnu par expérience, pour réussir à avoir des réactions authentiques, comme si le jeu n’était plus un jeu et que les participants vivaient réellement la situation. Nous avons parlé justement de cette notion de “futur expérientiel” qui fait le lien entre le futur et le présent et qui amène un futur probable dans l’ici et le maintenant. Pour cela certaines règles sont énoncées clairement et d’autres moins, le choix du vocabulaire par le maître du jeu est primordial pour laisser libre les participants de s’approprier la simulation et de la vivre, de générer une expérience unique.
Initialement, le choix des participants n’a pas été crucial, se basant sur le volontariat dans le cadre d’une expérimentation lors de la Biennale de Saint-Étienne du Design. Toutefois, dans un second temps, le choix des participants peut devenir essentiel pour que la simulation devienne un outil d’aide à la décision. Grâce au témoignage de Zoé Bonnardot, ce moment a été l’occasion d’engager des discussions sur la simulation par l’expérience, offrant des enseignements et des recommandations dans un contexte plus large. Ainsi, le format de kiosque, peut-être un peu court pour approfondir davantage la connaissance, expose des éléments sur la manière dont la simulation peut contribuer au domaine du design fiction par l’expérience et par le jeu.